Pollution lumineuse 10

Jean-Louis Dufier, Yvan Touitou.
Résumé
La lumière artificielle peut être un agent polluant délétère pour la rétine, en rapport avec la toxicité de la bande bleue (380-500 nm) du spectre visible (380-700 nm), notamment utilisée dans les diodes électroluminescentes (LED). La phototoxicité résulte de lésions photochimiques au niveau de l’épithélium pigmenté et des photorécepteurs rétiniens responsables de la fonction visuelle de la rétine. Leurs pigments photosensibles, opsines pour les cônes et rhodopsines pour les bâtonnets, sont consommés le jour et régénérés la nuit. L’exposition à la lumière la nuit perturbe gravement leur métabolisme. La phototoxicité constitue, avec l’hérédité, un facteur majeur pour les maladies dégénératives de la rétine avec, en plus, l’impact de l’âge et du tabac pour la plus fréquente d’entre elles, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). L’exposition à la lumière artificielle la nuit (LAN) dérègle l’horloge interne. Les cellules ganglionnaires intrinsèquement photosensibles (ipRGC), responsables des fonctions non visuelles de la rétine, perçoivent le signal lumineux qui est transmis à cette l’horloge interne pour aboutir à la glande pinéale. La lumière inhibe la sécrétion de mélatonine et est capable d’avancer ou de retarder l’horloge selon l’heure d’exposition, dans le cadre d’une désynchronisation. Les travailleurs postés et de nuit, comme les adolescents, sont exposés à la LAN. L’incidence de cancer du sein, plus élevée chez les infirmières exposées à la LAN, est attribuée à l’inhibition de la mélatonine, la privation de sommeil et la désynchronisation. L’exposition des adolescents aux écrans pose aussi question, car les diodes électroluminescentes (LED) des appareils émettent une lumière bleue dont l’impact sur l’horloge interne est considérable. Les désynchronisations chroniques des travailleurs postés, comme celles des adolescents, doivent être considérées comme des préoccupations importantes de santé publique.
Mars 2022
La revue du praticien n° Tome 72 / n° 4 PDF